dimanche 17 juillet 2005

RIADIS ET RAVEL



RIADIS ET RAVEL
S'il ne fait aucun doute que Riadis a profondément admiré l'œuvre de Ravel, qu'il en a particulièrement savouré l'écriture pianistique, nous ne disposons toujours d'aucun élement tangible sur la rencontre entre les deux hommes. Dès 1913, les portraits biographiques de Riadis parlent des conseils qu’il reçut de Gustave Charpentier et de Maurice Ravel. Selon Karatzidis, ancien élève et proche ami de Riadis, Ravel se serait empressé de louer le talent musical du pianiste grec en disant de lui "mon génial élève, le Grec Riadis" (1937). Octave Merlier, enthousiaste directeur de l’Institut d’Athènes, renchérira abusivement en affirmant : "Le vrai génie n'est pas jaloux du génie. Debussy et Ravel, qui avaient découvert Riadis, l'imposent à Paris" (1952). Il est difficile de discerner la part de vérité qui se cache derrière et il ne faut pas exclure totalement que Riadis à son retour de France se soit forgé en quelque sorte une légende sur son parcours musical parisien et ait amplifié l'importance des rencontres qu'il avait pu faire. Quant aux "conseils" que Ravel aurait prodigué à Riadis, le terme est suffisamment vague pour que l'hypothèse d'une ou plusieurs rencontres, par exemple à la faveur de tel ou tel concert parisien, soit en revanche assez plausible.
Par exemple, lors d'un concert donné à l'Akademia Raymond Duncan en 1912, Emile Riadis accompagna Marguerite Babaïan notamment dans l'interprétation de deux des Chansons populaires grecques de Maurice Ravel (voir Cahiers Maurice Ravel n°13, 2010, p. 149-192). Par ailleurs, il est probable que Riadis ait assisté au concert donné le 27 mai 1913 Salle Pleyel : Ravel accompagnait lui-même au piano ses Mélodies populaires grecques avec Speranza Calo-Séailles, cantatrice grecque interprète de Riadis depuis 1912. De même Ravel, peut-être présent au concert donné en 1912 par Emile Riadis et Marguerite Babaïan en 1912, a peut-être assisté à un ou plusieurs des concerts où les mélodies de Riadis figuraient au programme, notamment lors de conférences musicales de Calvocoressi. Par ailleurs, nous savons que Riadis s’était lié d’amitié avec Paul Ladmirault qui le recevait régulièrement à son domicile (129, rue Legendre, Paris XVIIe), comme l'atteste la correspondance du compositeur nantais. La lecture de celle-ci montre que les deux hommes allaient souvent rejoindre le critique Calvocoressi (164, rue de Courcelles, Paris XVIIe). Dès lors, il n'est pas exclu que Riadis ait participé à quelques unes des mémorables soirées données chez le frère de Mme Sert, Cipa Godebski (rue d'Athènes), l'un des points de ralliement habituel des "Apaches" (Maurice Ravel, Florent Schmitt, Paul Ladmirault, Michel-Dimitri Calvocoressi ("Calvo"), Emile Vuillermoz, Ricardo Viñes, Lucien Garban, Marcel Chadeigne, Désiré-Emile Inghelbrecht, Maurice Delage, Tristan Klingsor, Léon-Paul Fargue, Raoul Bardac, etc. etc.), à proximité du Conservatoire national (rue de Madrid) et d'une salle de concerts alors très fréquentée, la Salle des Agriculteurs de France (8, rue d'Athènes).
Concernant Riadis et Ravel, il faut surtout relever l'existence d'une œuvre pour piano de Riadis intitulée Hommage à Ravel - Εγκώμιο στό Ραβέλ, dont le manuscrit est inédit : les titres poétiques et suggestifs des trois parties de l'œuvre - 1. Prélude aux Rossignols de Saint-Jean de Luz, 2. Sarabande pour une maman défunte, 3. Célébration. Finale - ainsi que l'écriture pianistique attestent indéniablement l'influence de l'œuvre ravélienne sur le compositeur grec. Les deux premiers mouvements furent donnés en 1ère audition par Dimitri Mitropoulos, le fameux chef d'orchestre, le 4 février 1925 au Théâtre Olympia d'Athènes (actuel siège de l’Opéra National Hellénique) lors d'un concert intégralement composé d'œuvres de Riadis ; nous ignorons totatement si Ravel lui-même a eu vent de cet hommage pianistique. Cette œuvre a été enregistrée récemment par le pianiste Stefanos Nassos (ou Stefanos Nasos), dans le 2e CD d’œuvres de Riadis édité par la maison de disques athénienne Lyra ; ce pianiste vient notamment de faire (re)découvrir l'hommage ravélien de Riadis à Helsinki le 8 décembre 2002 à l’Académie Sibelius d’Helsinki et le 24 janvier 2003 (écouter l'enregistrement en concert de l'Hommage à Ravel en cliquant sur le mouvement que vous souhaitez découvrir : 1er mouvement, 2e mouvement, 3e mouvement et finale).

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